Qui na pas lu et relu les écrits dAllen Ginsberg risque de se priver dun des points de vue les plus éclairés et éclairants sur laccouplement, plus souvent belliqueux que paisible, qui permet à la parole humaine de se frotter au Réel. Si vous avez entendu Ginsberg dire ou chanter ses textes, en direct et en public, au cours de ses incessantes tournées en Europe, en Asie, en Australie et dun bout à lautre des Ameriques, vous avez, vous aussi, constaté la maîtrise avec laquelle il sculptait, projetait et spatialisait le corps de sa poésie. Sur le mode dun saxophoniste de jazz ou dun shaman, pas sur le mode dun cul de plomb littéraire. Ce nest ni le lexique ni la métrique, disait il souvent, mais le souffle, le rythme vital de la respiration profonde qui constitue la matière première de lexpérience poétique. Quiconque na pas eu la chance de lentendre, en chair et en os, pourra, faute de mieux, se rebattre sur les nombreux enregistrements de sa voix pilsée par des musiciens tels que Bob Dylan, Phil Glass ou Ornette Coleman (linventeur du Free Jazz). Ce nest pas par hasard si la Beat Generation est née en même temps que le Free Jazz, le Living Theatre, le Junk Art, le mouvement pour les droits civiques et antimilitariste. Ce nest pas un hasard si beaucoup des protagonistes de ces courants-là, ainsi que Jackson Pollock et Willem de Kooning, fréquentaient les mêmes lieux (le Cedar Tavern et les boîtes de jazz). Toutes ces différentes composantes ont fondé ce quil était convenu dappeler une contre -culture , une schize collective. La production visionnaire de Ginsberg ne se différencie pas seulement des littératures universitaires, convenues et bien pensantes par ses contenus, mais bousculée par des prélèvements sur le vif du quotidien, elle sen différencie aussi et surtout par sa matérialité sonore et énergétique. Ses objectifs sont extralittéraires ou supralittéraires: il cherche à donner forme audible et visible aux flux surgissant de lêtre psychique collectif (leggregore). Lessentiel de loeuvre de Ginsberg relève de ce processus-là, même si le personnage public - que ses collègues jaloux et amers ont vilipendé - a été parfois trop enclin à saccomoder du Star System. Ce personnage public, dailleurs, nétait pas indifférent. Limage sest forgée dès le procès en obscénité intenté, en 1957, à San Francisco, à Ferlinghetti, lediteur du chef-doeuvre de Ginsberg, Howl . Cette image scandaleuse sest amplifiée dans les années 60 et 70, avec lactivisme militant déployé par Ginsberg contre la guerre du Vietnam, lindustrie nucléaire, le racisme et lextrême-droite. Il a milité davantage encore en faveur dautres causes qui lui étaient chères: lInstitut Naropa (quil fonda, dans le Colorado), la défense du peuple tibétain colonisé et massacré par larmée chinoise, la liberté totale dexpression pour tous, les droits des minorités raciales ou sexuelles. Ses nombreuses interventions médiatiques dans ce sens ne constituaient, pour lui, que des intermèdes mais, cependant, cest autour de ce personnage public que les malentendus et les agressivités se sont cristallisés à lexces. Selon quelquun qui sy connaît, Bob Dylan, Ginsberg est à la fois tragique et dynamique, un génie lyrique, un extraordinaire filou et probablement linfluence la plus importante sur la voix poétique américaine depuis Whitman. Par contre, selon Alain Bosquet, un des littérateurs animés de ressentiment envers les beatniks: Leur révolte était directe et sans nuance: à bas lAmerique de la guerre froide et du maccarthysme; vivent la drogue, lerrance, limprovisation, lhomosexualité. Ainsi naissait la Beat Generation avec dinouïes prétentions. La poésie dAllen Ginsberg ne serait jamais quun tissu deructations, dimprécations, dinjures sans style: oui, un tract ininterrompu. Qui a tort, de lauteur de Blowin in the Wind ou de la vieille chipie journalistique du Figaro? Peu importe, dailleurs, car il vaut mieux éviter de perdre du temps avec ces heurts frontaux; ces matchs de rugby idéologiques entre courants artistiques, politiques ou sexuels divergeants qui tendent,machinalement, à sexclure mutuellement. Les aperçus de Gilles Deleuze concernant les lignes de fuite pratiquées par les poètes de la Beat Generation sont dune pertinence bien supérieure. Ginsberg a toujours cherché à dissoudre les illusions, les murs de la parano, les idèes reçues, les erreurs de perception avec ce quil appelait sa candeur absolue. Pour lui, lacte poétique consistait à saisir au passage - à même la vie et au rythme du souffle - la candeur spontanée du premier jet. Il avait le sens aigu de lAutre et penchait toujours du côté de lamitié, voire de la tribu, comme lattestent les magnifiques portraits photographiques quil a fait de ses amis tout au cours de ses voyages (exposés lan dernier à Venise et à Turin et, récemment encore, la séance de poésie avec ses vieux complices des années cinquante, Corso, Huncke et Ornette Coleman à loccasion du film tourné par Brigitte Cornand pour Canal Plus. Sa candeur, parfois, choquait les puritains. Lors dun Festival POLYPHONIX, à la Cinémathèque Française, en 1993, il lut tranquillement un poème intitulé Trou du Cul (une sorte détat des lieux, de reportage, loin du baroquisme des superbes sonnets que Quevedo et Rimbaud ont consacrés à cet organe satanique, mais non dénué dune grandeur minimaliste). Imaginez les commentaires que ce poème aurait pu inspirer aux idéologues du Figaro ! Lors dune de ses dernières interventins à Paris, en 1995, il partecipa au Monument à Félix Guattari au Beaubourg et y chanta CIA Calypso (puissante dénonciation du trafic dheroïne perpétré par les services secrets américains en Asie et aux Caraïbes). Ce nest pas avec ce genre de poésie quon entre à lAcadémie, quelle quelle soit! Il partageait avec William Blake, Walt Whitman et certains autres, une horreur prononcée pour les normes. Il est parti avec discrétion et légèreté. Son décès a donné lieu à une cérémonie funèbre bouddhiste à New York, célébrée dans la stricte intimité (par Patti Smith et quelques proches). En bouddhiste pratiquant, il regardait la mort en face depuis toujours. Parfois même avec une certaine allégresse, comme à loccasion de la disparition de son père, le poète Louis Ginsberg, à qui il dédia Father Death Blues . La danse macabre ne lui faisait donc peur. Lors de ses premiers séjours à Paris, dès 1957 et 58, avec Corso, Burroughs et Gysin, au Beat Hotel de la rue Gît-le Coeur (à deux pas de chez Henry Michaux qui habitait rue Séguier), Ginsberg rédigea dimportants poèmes, notamment Death to Van Goghs Ear , The Lion for Real et At Apollinaires Grave - longue lettre affectueuse adressée à lauteur du Poète Assassiné au Père Lachaise - qui se termine ainsi ... ma cigarette fume sur mes genoux et emplit les pages de fumée et de flammes une fourmi court sur ma manche de velours larbre sur lequel je mappuie pousse avec lenteur buissons et branches surgissant à travers les tombes une tolle daraignée argentée brille sur le granite je suis enterré ici et je massieds à côté de ma tombe sous un arbre. Jean-Jacques Lebel Paris 10 avril 1997 |
Chi non ha letto e riletto gli scritti di Allen Ginsberg rischia di privarsi duno dei punti di vista tra i più illuminati e illuminanti sullaccostamento, più spesso bellicoso che pacifico, che permette al linguaggio umano di mettersi in attrito col Reale. Se voi avete udito Ginsberg dire o cantare i suoi testi, in diretta e in pubblico, durante i suoi interminabili giri in Europa, Asia, Australia e da un capo allaltro delle Americhe, allora anche voi avrete certamente constatato la maestria con la quale egli scolpiva, proiettava e spazializzava il corpo della sua poesia. Sullo stile dun sassofonista di jazz o duno sciamano, non coi modi di un cul de plomb letterario. Non è né il lessico né la metrica, diceva spesso Ginsberg, ma il soffio, il ritmo vitale della respirazione profonda che costituisce la materia prima dellesperienza poetica.
Chiunque non abbia avuto la fortuna di ascoltarlo, in carne e ossa, potrà, in mancanza di meglio, rifarsi alle numerose registrazioni della sua voce soffiate da musicisti quali Bob Dylan, Phil Glass o Ornette Coleman (linventore del Free Jazz). Non è un caso che la Beat Generation sia nata contemporaneamente al Free Jazz, al Living Theatre, alla Junk Art, al movimento per i diritti civili e a quello antimilitarista. Non è un caso che molti dei protagonisti delle correnti anzidette, così come Jackson Pollock e Willem de Kooning, frequentassero gli stessi luoghi (la Cedar Tavern e i locali dove si faceva jazz). Tutte queste componenti diverse hanno gettato le basi di ciò che poi fu chiamata per convenzione una contro-cultura, una mutazione collettiva. La produzione visionaria di Ginsberg non si differenzia soltanto dalla letteratura universitaria, convenzionale e benpensante per i suoi contenuti, nella nobile stirpe dei salmi ebraici e buddisti, ma scossa da asportazioni sul vivo del quotidiano, essa se ne differenzia soprattutto per la sua materialità sonora ed energetica. I suoi obiettivi sono extraletterari o sopraletterari: egli cerca di dar forma udibile e visibile ai flussi che sgorgano dallessere psichico collettivo. Lessenziale dellopera di Ginsberg prende corpo da questo processo, anche se il personaggio pubblico - che i suoi colleghi gelosi e maligni hanno vilipeso - è stato talvolta troppo incline ad adattarsi allo Star System. Questo personaggio pubblico, del resto, non era antipatico. Limmagine sè forgiata a partire dal processo per oscenità intentato, nel 1957, a San Francisco, a Ferlinghetti, leditore del capolavoro di Ginsberg, Howl . Questimmagine scandalosa si è amplificata negli anni 60 e 70, con lattivismo militante ostentato da Ginsberg contro la guerra del Vietnam, lindustria nucleare, il razzismo e lestrema destra. Egli ha militato ancora per altre cause che gli erano care: lIstituto Naropa (che fondò nel Colorado), la difesa del popolo tibetano colonizzato e massacrato dallesercito cinese, la libertà totale despressione per tutti, i diritti delle minoranze razziali o sessuali. I suoi numerosi interventi mediatici in questo senso non costituivano, per lui, che degli intermezzi ma, tuttavia, è attorno a questo personaggio pubblico che gli equivoci e le aggressività si sono cristalizzati alleccesso. Secondo qualcuno che se ne intende, Bob Dylan, Ginsberg è allo stesso tempo tragico e dinamico, un genio lirico, uno straordinario mascalzone e probabilmente linfluenza più importante sulla voce poetica americana dopo Whitman. Invece, secondo Alain Bosquet, uno dei poveracci animati da risentimento verso i beatniks: La loro rivolta era esplicita e senza sfumature: abbasso lAmerica della guerra fredda e del maccartismo; vivono la droga, il vagabondaggio, limprovvisazione, lomosessualità. Così nasceva la Beat Generation con pretese inaudite. La poesia di Allen Ginsberg non è altro che un tessuto di rutti, bestemmie, offese senza stile: sì, un tratto ininterrotto. Chi ha torto, lautore di Blowin in the Wind o la vecchia megera giornalistica del Figaro? Poco importa, del resto, perché è meglio evitare di perdere tempo con questi scontri frontali, questi incontri di rugby ideologici tra correnti artistiche, politiche o sessuali divergenti che tendono, meccanicamente, a escludersi a vicenda. Le intuizioni di Gilles Deleuze riguardanti le linee di fuga praticate dai poeti della Beat Generation sono duna pertinenza ben superiore. Ginsberg ha sempre cercato di dissolvere le illusioni, i muri della paranoia, le idee precostituite, gli errori di percezione con quello che lui chiamava il suo candore segreto. Per lui, latto poetico consisteva nel cogliere al passaggio - direttamente nella vita e al ritmo del soffio - il candore spontaneo del primo zampillo. Egli aveva il senso acuto dellAltro ed era sempre dalla parte dellamicizia, della tribù, come attestano i magnifici ritratti fotografici che ha fatto ai suoi amici nel corso dei suoi viaggi (esposti lanno scorso a Venezia e Torino) e, ultimamente, le sedute di poesia coi suoi vecchi complici degli anni cinquanta, Corso, Huncke e Ornette Coleman in occasione del film girato da Brigitte Cornand per Canal Plus. Il suo candore, talvolta, shoccava i puritani. In occasione di un Festival POLYPHONIX, alla Cinémathèque Française, nel 1993, egli lesse tranquillamente un poema intitolato Buco del Culo (una sorta di stato dei luoghi, di reportage, lontano dal barocchismo dei superbi sonetti che Quevedo e Rimbaud hanno consacrato a questo organo satanico, ma non privo di una grandezza minimalista). Immaginate i commenti che questo poema avrebbe potuto ispirare agli ideologi dellOsservatore Romano! Durante uno dei suoi ultimi interventi a Parigi, nel 1995, partecipò al Monument à Felix Guattari al Beaubourg e lì cantò CIA Calypso (potente denuncia del traffico deroina perpetrato dai servizi segreti americani in Asia e ai Caraibi). Non è con questo genere di poesia che si entra allAccademia, qualunque essa sia! Egli divideva con William Blake, Walt Whitman e qualcunaltro, un orrore spiccato per le norme. Se nè andato con discrezione e leggerezza. La sua morte ha dato luogo a una cerimonia funebre buddista a New York, celebrata nella più stretta intimità (da Patti Smith e qualche stretto congiunto). Come buddista praticante egli guardava la morte in faccia da sempre. Talora anche con una certa allegria, come nelloccasione della morte di suo padre, il poeta Louis Ginsberg, al quale egli dedicò Father Death Blues. La danza macabra non gli faceva dunque paura. Al tempo dei suoi primi soggiorni a Parigi, dal 1957 e 58, con Corso, Burroughs e Gysin, al Beat Hotel della rue Gît-le-Coeur (a due passi dalla casa di Henri Michaux che abitava in rue Séguier) Ginsberg compose importanti poemi, e, in modo particolare, Death to Van Goghs Ear, The Lion for Real e At Apollinaires Grave - lunga lettera affettuosa indirizzata allautore del Poète Assassiné, al Père-Lachaise - che termina così ...la mia sigaretta fuma sulle mie ginocchia e riempie le pagine di fumo e fiamme una formica corre sulla mia manica di velluto lalbero sul quale io mi appoggio spinge con lentezza cespugli e rami che sorgono attraverso le tombe una ragnatela argentata brilla sul granito io sono interrato qui e mi siedo accanto alla mia tomba sotto un albero.
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Jean-Jacques Lebel Autéur de lAnthologie de la Beat Generation (Ed. Denoël, 1966), premier traducteur de Ginsberg en français, proche du poête depuis les années 50, Jean Jacques Lebel, écrivain et artiste, a organisé de nombreuses soirées de poésie directe avec Allen Ginsberg. |
Jean-Jacques Lebel Autore de lAntologia della Beat Generation (Ed. Denoël, 1966), primo traduttore di Ginsberg in francese, vicino al poeta fin dagli anni 50, Jean Jacques Lebel, scrittore e artista, ha organizzato numerose serate di poésie directe con Allen Ginsberg. |
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